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Stèles de Charly D’Almeida / Art, hommage, mémoire des peuples
La mémoire peut-elle être prétexte à la survivance des mœurs inhérentes à une civilisation ? Comment représenter les vestiges, les traces, et les legs de ceux qui ne sont plus ? Voilà les interrogations que soulèvent ces deux œuvres du béninois D’Almeida sous les titres de Stèle n° 9 et Stèle n° 10. Des sculptures qui, à entendre l’auteur, constituent une invitation à réfléchir sur « le processus de conservation, et de transmission de la mémoire des peuples ».
Charly D’Almeida est né à Cotonou. Il figure en tête de liste des grands noms de l’art contemporain du Benin. Peintre, sculpteur, installateur, D’Almeida est artiste plasticien. Comme chez la plupart des artistes de son pays, son œuvre s’inspire beaucoup du Vaudoun. Prenez n’importe quelle plasticien béninois, rarement vous n’y trouverez pas des traces de ce culte des ancêtres. Au pays d’Angélique Kidjo, au pays de Romuald Hazoumé, rien n’échappe au Vaudoun, plus qu’une religion, il y est une culture, un mode de vie, une philosophie.
Stèle 9 et Stèle 10 sont des constructions, des assemblages de métaux, brasure et peinture. Partant d’une dalle qui en constitue le socle, chaque œuvre s’élève sur 9 strates sphériques qui apparaissent comme des calebasses dont la cinquième, la sixième et la septième s’ouvrent devant le spectateur tout en ouvrant des sortes de bras pour l’accueillir. Sur chacune des deux œuvres, deux des calebasses ouvertes laissent voir de jolies couleurs (verte et bleue sur Stèle 9, rouge et jaune sur la n° 10). Ces couleurs contrastent avec le ton marron presqu’unique de l’ensemble et peuvent symboliser le côté luxuriant de l’Afrique ; continent de forêts et paysages sans pareils, continent du Parc du W entre le Niger, le Benin et le Burkina Faso, contient du Massai Mara au Kenya et du Serengheti en Tanzanie, continent de la forêt équatoriale.
Les deux sculptures aux allures d’installation datent de 2021, avec respectivement pour dimension 187x57x30 cm et 186x58x30 cm. Survivance, c’est le titre de la dernière collection de l’artiste dont elles relèvent. Survivance comme un appel à un retour vers les pratiques ancestrales, comme une revendication de la survivance de ces pratiques. Survivance, comme la reconnaissance de tout ce que nous devons aux ancêtres ; notre façon d’être, nos mœurs, jusque dans nos assiettes : le symbolisme de l’eau pour les Songhays du Niger, le Tcheboudjen pour les Wolofs du Sénégal, le sens de la vache (Naggué) pour les Peuls du Niger, du Sénégal, de la Guinée, de la Centrafrique… le Vaudoun pour le Benin. Survivance, comme en témoigne l’artiste lui-même : « cette collection traite de la survivance de ceux qui ne sont plus sous le prisme de la mémoire individuelle, et collective ».
Certes la stèle peut revêtir un sens sombre car rappelant les pierres tombales – même si D’Almeida prévient ; elles « ne sont pas vraiment des stèles au sens stricto sensu » – mais y a-t-il du mal a pensé à ses devanciers pour valoriser leurs legs ? La Chine et les communistes du monde honorent Mao Tsé Toung, qu’est-ce que la France ne ferait pas pour le Général De Gaule, c’est à peine si les Sud-africains et toute l’Afrique ne vénèrent Madiba Mandela. Dans son chef-d’œuvre La Vie et demie, l’immense romancier congolais Sony Labou Tansi écrit : « les morts qui n’ont pas de vivants sont malheureux, aussi malheureux que les vivants qui n’ont pas de morts ». Quant à la calebasse, sa symbolique en Afrique n’est plus à démontrer. On la retrouve dans tout : dans les rites, à table, dans l’industrie (traditionnellement, c’est dans des gourdes en calebasse que le lait caillé est agité pour en extraire le beurre).
Ces deux œuvres du Béninois sont donc un appel, une invite à revisiter le meilleur dans ce que nous avons de plus ancestrale. Créations symboliques et très esthétiques, elles s’inscrivent profondément dans le patrimoine culturel béninois voire africain tout en demeurant éminemment contemporaines.
HAMIDOU IDRISSA Moussa