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THÉÂTRE : CENT CARATS ou SANKARA

Thomas Sankara

Retour sur une pièce monumentale de l’écrivain nigérien, feu Chaïbou Dan Inna, par ces temps où l’impérialisme revient en force sur le continent africain. Une « Vie de cent carats », une des œuvres majeures du théâtre nigérien, une référence de la littérature africaine.

 

© Tristan Jeanne-Valès

Qu’est-ce qui, dans cette pièce, explique la perte de Abarshi, le Sankara de Chaïbou Dan Inna ?

Sa résistance acharné à l’impérialisme occidentale et ses valets locaux ? « Ce garçon… Thomas je veux dire. Il est de la graine de N’Krumah. Il faudra lui faire subir le même sort. Il partira. ». Le Président de la république de Kourmi est, on ne peut plus, clair. (Au Niger, Kourmi signifie le pays d’exode, surtout la Côte d’Ivoire).

Est-ce l’obsession du héros pour la justice sociale, l’égalité, la transparence dans la gestion des biens publiques ou encore la probité des responsables administratifs ? En témoigne la décision de suppression du  loyer, pour le citoyen lambda, pour un an et « que chaque fonctionnaire nommé à un haut poste de responsabilité fasse à la justice, la déclaration de ses biens ». Tout de suite, des voix s’élèvent dans son entourage contre ces mesures : « Ecoute Thomas, vocifère Pacome (Campaoré dans la réalité), je commence à en avoir assez de tes coups médiatiques ». C’est pourtant son plus proche ami. Mais point d’amitié quand les intérêts passent avant tout.

D’aucun diront que l’erreur du héros, c’est surtout d’avoir débouté un chef coutumier dans un litige foncier avec des paysans. Pour Thomas dont la politique repose essentiellement sur l’autosuffisance alimentaire, afin que son pays cesse de tendre la main, la terre appartient à celui qui la travaille. Mais Hakimi (chef de village en langue haoussa), ne l’entend pas de cette oreille. Il appelle Boka (féticheur en langue Haoussa du Niger) : « Boka va et travaille, que plus jamais la lune n’emprunte la route du soleil ».

Cette pièce de Dan Inna présente un Thomas qui a tout de Sankara : son esprit révolutionnaire dont les premières manifestations remontent à Madagascar où il fit sa formation d’officier militaire, le commandant sans façon et très proche de ses hommes de rang, sa vision du pouvoir au service du peuple exclusivement, la bataille du rail et les autres volets de son programme : « que partout où passe le chemin de fer soit creusé un puit et construite une école ». Et enfin la trahison du héros par son ami, en service commandé de l’extérieur.

Dan Inna

Mais «Une Vie de cent carats », c’est aussi un prétexte pour l’auteur de ‘Nigérianiser’’ l’histoire de Thomas Sankara : 

  • Une onomastique nigérienne : Abarshi, Janzaki, Kourmi, le Niger est appelé République de Zahi. Il y a aussi Kourfey (le nom d’un quartier de Filingué, village natal de l’auteur) pour désigner le Burkina Faso, même s’il maintient la traduction ‘‘Pays des hommes intègres’’ ;
  • Les questions de chefferie et de foncier qui sont presque les mêmes au Niger ;
  • Les problèmes sociaux qui rappellent le Niger des années 1990… comme pour dire que Sankara est également un héros nigérien, une référence pour le Niger, pour l’Afrique.

En fait Dan Inna a créé un héros qui synthétise l’essentiel de l’histoire africaine contemporaine telle reprise dans la littérature négro-africaine : 

  • Comme Gbéhanzin, dans «Kondo le requin de Jean Pliya », Thomas abarshi a foulé au pied les règles de l’ordre féodal séculaire ;
  • Comme Lumumba, dans «Une Saison au Congo d’Aimé Césaire », il a été trop fier aux yeux de l’occident.

Quant au style, il commence dès le titre : cent carats riment avec Sankara dans une métaphore aux relents de paronomase. Un style qui, naturellement doit beaucoup à la culture orale du dramaturge : « plus sombre que la nuit est l’ignorance » ou encore « passez une année à sabrer l’eau que récolteriez-vous ? »

Né en 1952 à Filingué, Chaïbou Dan Inna était écrivain, enseignant chercheur à l’Université Abdou Moumouni et homme d’Etat (il fut plusieurs fois Ministre au Niger). A sa mort le 06 Avril 2020, toute la communauté de l’Université de Niamey lui a rendu hommage.

« Une Vie de cent carats », une pièce parue en 1993 aux Editions N.I.N, une œuvre à lire, à relire et faire lire pour comprendre d’où viennent, beaucoup de parmi les plus grands maux que nous vivons aujourd’hui, en Afrique, des mains de la politique. «Une Vie de cent carats » une œuvre d’actualité après le retour contesté dans son pays de l’Ex-président Blaise Campaoré.

 


HAMIDOU IDRISSA Moussa 

Africa by art

(PHOTOS D.R.) ©

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